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vendredi 22 juillet 2016

Article du journal Libération, Mai 1995

Dans une enquête de Claudine Clément pour le journal Libération en 1995, on apprend que la chouette n'était pas finie le 23 avril 1993 car le film a été tourné avec la chouette authentique et grandeur nature, le 29 avril 1993, soit six jours après la date déclarée de l'enfouissement et qu'un message de Max est sur la copie en bronze, accroché à son aile :


La chouette d'or, une chasse au leurre. Ce jeu mobilise depuis deux ans des milliers de chasseurs via le Minitel.

Par Claudine CLEMENT  
 
 
                                            
«Il était 3h30, le 23 avril 1993. Je suis arrivé à l'endroit et j'ai
creusé; j'avais les mains en sang. Quand tout a été fini, je suis parti très loin...» Max Valentin relate l'enterrement mythique d'une chouette d'or qu'il a estimée à plus d'un million de francs. Instigateur d'une course au trésor inspirée de modèles venant des Etats-Unis et de Grande-Bretagne, il lança, durant l'été de cette année-là, des milliers de chasseurs sur le parcours initiatique d'un livre à énigmes (Libération du 13 septembre 1993). Englouti dans des ténèbres passagères ou éternelles, l'oiseau reste introuvable. Destin ordinaire d'une chasse au trésor ou miroir aux alouettes?
 
La tombe de Merlin à Brocéliande, les châteaux cathares, Roncevaux, Azay-le-Rideau... ont été fouillés dans l'impatience et l'émotion. En vain. La solution ultime est au bout des onze énigmes cryptées par Max Valentin et illustrées par un peintre, Michel Becker. Ils en ont fait un livre qui s'est vendu à 50.000 exemplaires. Pour ceux qui resteraient perplexes devant l'hermétisme du livre, Max a mis en place un serveur télématique qui assure les échanges: 3615 Maxval (1). Un chiffre d'affaires de 30.000 francs mensuels pour une centaine de connections par jour. Dans un climat d'espionnite et de confusion, entre messages perso, info-intox ou décodage primaire, on y trouve des pistes, des solutions. Phénix, menuisier, sur la piste depuis six mois, se sent pris au piège. «Le serveur Maxval, c'est sournois. On voit un indice auquel on n'a pas pensé. On s'y précipite, c'est un cul-de-sac, déplore-t-il. Nos questions sont trop précises. Max ne répond pas vraiment. A quelle échelle voit-il ça? Lui sait, mais pour nous, ça reste confus. On a tout, on n'a rien.»
 
Alors les chercheurs doutent. Max ne ferait-il pas durer le plaisir? Frédéric Fichepain, nom de code Abracadabra, 25 ans, concepteur de vêtements multifonctions, a décrypté toutes les énigmes en deux mois. Il a renoncé au Minitel dès la première facture Télécom. «J'ai abandonné. Une chose m'a franchement énervé: le coup des 8.000 mesures, ça c'est très fort. Ça veut dire: vous avez trouvé mais à tant de "mesures" près. Des mesures de quoi? Des pieds, des pouces? C'est irréaliste.» Il retrace, albums de Tintin et cartes déployées, les étapes d'un marathon qui s'achève à la Roche Dabo, dans les Vosges. «Quelle référence utiliser? On note une différence de 2 km entre les cartes IGN et Michelin. Alors on ne trouvera jamais!» Documentation à la médiathèque ou fouilles à Golfe-Juan, il ne regrette rien: «On se valorise en testant son QI, sans compter le rêve.
 
Et puis je suis peut-être naïf, concède-t-il, mais je crois plus à ça qu'au Père Noël.» D'autres se sont regroupés. Ainsi, les sept membres du club Noctua Tauris dans le Vaucluse: «Si la chasse tenait debout, on aurait tout puisqu'on a tout déchiffré, assure Isabelle. Pourtant on aboutit sur un site, pas un lieu précis, il doit nous manquer un détail, mais on n'est pas pressé...»
 
En désespoir de cause, les chasseurs traquent le mystérieux Max Valentin. Ils planquent devant le siège social des Editions en son nom, un immeuble aux vitres fumées à Malakoff (Hauts-de-Seine). La véritable identité de l'inventeur du jeu alimente tous les fantasmes. «Les énigmes sont tellement chiadées, il doit être mathématicien!», «Vu l'ampleur du jeu, c'est un homme de médias». Max Meynier, Jean-Claude Bourré, Patrick Sabatier? Sur son bureau, cartes style Ile au trésor et solutions griffonnées attendent son aval. Seul à détenir la vérité, il règne en grand maître sur son serveur et promet une réponse sous 24 heures aux avis donnés dans la rubrique «Questions aux auteurs». Barbe, petites lunettes, allure tranquille, il a appris à déjouer tous les pièges. «Je les vois venir, c'est une gymnastique. Il est difficile de me manipuler, confie-t-il. Je ne favorise personne, c'est un jeu.
 
Parfois, je ne réponds pas sinon je piloterais la découverte à vue.» Sans jamais répondre par oui ou par non à une solution avancée, il a transmis, en deux ans, 35.000 réponses à autant de questions amenées par une kyrielle d'articles et de plateaux de télévision, qui ont succombé au jeu. Habile manière de faire tourner les compteurs de France Télécom en sa faveur. Max ne veut surtout pas qu'on puisse dire qu'il a conduit les chercheurs dans une impasse. Toutes les réponses ont été imprimées, avec anecdotes croustillantes et solutions du gagnant, elles serviront au livre qui paraîtra à la fin du jeu. «J'ai listé 60 questions taboues, des verrous que je lâche quand ils croisent bien les détails. Il en reste 18. Ça avance.» Oui, mais pour qui?
 
Ces deux années passées à entretenir le mystère ont été parsemées d'abandons, de trahisons, de rêves déçus. Un pacte unissait Max Valentin et Michel Becker: au premier, l'écriture des énigmes et l'anonymat, au second, les illustrations du livre, la sculpture de l'oiseau et le devant de la scène médiatique. Aujourd'hui, tout est en miettes. Becker se souvient: «Manya, le premier éditeur, pensait faire le coup de sa vie, Max visait une reconnaissance littéraire (il a publié plusieurs livres sous son vrai nom, ndlr) et moi, une notoriété artistique. Rien de tout cela n'a fonctionné.» Manya dépose le bilan en 1994. Dans l'atelier du peintre, une Rolls immobilisée «faute de vignette». Aucune des toiles qui ont servi d'illustrations n'a trouvé preneur. Aujourd'hui, Michel Becker ne joue plus et met les choses au point: «Je ne suis pas le sculpteur (l'animal est l'oeuvre d'un artisan joaillier, ndlr). La course a son fonctionnement propre, je ne me connecte jamais sur le serveur. Je suis spectateur. J'ai cessé de considérer l'opération comme rentable.»
 
«En aucun cas la chouette ne pourra être échangée contre sa valeur en espèces», précise l'article 3 du règlement. Un film d'une heure quinze, réalisé par Becker et destiné à faire taire les soupçons sur la réalité et la valeur de l'animal, retrace la précieuse alchimie des 3 kilos d'or, 10 d'argent et 15 de grenaille, et la présentation du rapace sur son socle de zoïzite, pierre rare d'Afrique. Pourtant, Me Louquet, l'huissier, n'a jamais vu le bestiau, aucune expertise n'a été réalisée. Les factures pour les matières premières et la fonte atteignent 500.000 francs.
 
Premier hic, le film a été tourné, avec la chouette authentique et grandeur nature, le 29 avril 1993, soit six jours après la date déclarée de l'enfouissement. On a donc fait gamberger tous les chercheurs de trésor de France et de Navarre avec un bijou enfoui dans un endroit mystérieux, alors que la chouette veille dans le coffre d'une banque! Selon Max, une réplique en bronze a tout de même été enterrée. Un message accroché à son aile, elle attend l'arrivée du gagnant. Vaut-elle vraiment le million de francs annoncé? Becker assure que «l'objet n'est pas surévalué, que c'est un vrai trésor».
 
Quant à Max, il risque peut-être d'être poursuivi devant un tribunal par un chercheur de trésor irascible. Il a trop joué avec les rêves. Cependant, le concept du jeu reste très ingénieux: pas de chasse sans pistes savamment brouillées. «Prête un arc à Apollon, il comptera 1.969,697 mesures vers le zénith. En une 46.241.860e fraction de jour sidéral, son trait s'abattra.» Les indices impliquent érudition, connaissances en latin, en musique, en chimie... sans compter les coïncidences qui confortent autant de théories. Au bout de deux ans, ils tiennent toujours la route. En spécialiste du marketing et de la VPC, Max Valentin sait entretenir la légende et faire durer le plaisir. Aux petits présomptueux qui jurent avoir tout résolu, il répond en sortant une douzième énigme de son chapeau: «Elle donne la localisation précise, elle est le fruit des onze autres, on l'appelle le lien.

 C'est la douzième énigme.» Hélas, celle-là est invisible. (1) 3615 Maxval, 1,27 franc la minute. Messagerie vocale: 36.68.06.04. Sur la trace de la chouette d'or, de Michel Becker et Max Valentin. Editions Hermé-Max Valentin, 95 francs.
Claudine CLEMENT 
 
(Source :  Liberation.fr ) 
 
 
 
 
 
 
 
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8 commentaires:

  1. Bonjour Kaspius,
    C'est un article que Max et Becker n'ont pas du apprécier.
    Très surprenant Michel Becker «Je ne suis pas le sculpteur (l'animal est l'oeuvre d'un artisan joaillier, ndlr)".
    S'il arrivait à la garder, il transformerait la chouette en dindon (de la farce) ce qui n'est pas raisonnable.
    Amicalement
    Sasard

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    1. Bonjour Sasard, oui la chouette en or est l'œuvre d'un joaillier (on le voit dans le film de Michel Becker) Becker a réalisé la chouette en cire, modèle qui a servi pour la réalisation de celle en or et aussi pour les deux en bronze.

      J'espère vraiment qu'elle sera trouvée et que l'inventeur remportera la chouette d'or !

      Amicalement,

      Kaspius.

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  2. Si le film d'une heure quinze a été réalisé par Becker c'est donc de sa faute si l'on sait pour la contremarque, Max Valentin a donc fait ce qu'il a pu pour rattraper sa boulette, combien encore de mensonges...

    Alex

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    1. Bonjour Alex, c'est une façon de voir les choses (assez bonne je pense car il est bien trop facile après ça d'accuser Max d'avoir révélé l'existence de la contremarque ).

      Amicalement,

      Kaspius, Webmestre du Blog du Chercheur.

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    2. 30.000 francs mensuels avec le Minitel pour une centaine de connections par jour donc en 36 mois c'était rentabilisé !

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    3. Bonjour Dexio83, il ne faut pas confondre le chiffre d'affaires avec le bénéfice, qui lui résulte de la différence entre les produits et les charges de l'entreprise. Une entreprise (même par Minitel) peut réaliser un important chiffre d'affaires sans pour autant faire des bénéfices !

      Bon là, pour un service Minitel, je pense qu'il avait un bon salaire quand même...

      Ce qui est amusant, c'est qu'avec votre calcul, c'est en 33,3333333333 mois que "le trésor" était rentabilisé !

      Amicalement,

      Kaspius, Webmestre du Blog du Chercheur.

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    4. Dans cette histoire, il faut tenter de rester objectif.
      Les deux auteurs ont leur tort, d'après moi.
      On sait que Michel Becker a "légèrement mythonné" pendant l'émission de Dechavanne en affirmant qu'il avait participé à l'enfouissement.
      Mais de son côté, Max a fait croire qu'il avait enterré l'authentique chouette en or. C'est en arrivant à un rassemblement de chouetteurs avec la deuxième contremarque et en annonçant qu'une copie de celle-ci était enterrée que Becker a involontairement révélé le pot-aux-roses aux chouetteurs présents, obligeant Max à dire la vérité sur ce qu'il y avait dans la cache.

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    5. Bonjour Guillaume, pour le coup et pour être objectif, c'est Becker qui en a parlé dès 1996 de cette deuxième chouette en bronze :

      La deuxième chouette en bronze

      Amicalement,

      Kaspius.

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